Lalatiana Rahariniaina

COP21: L’Afrique se bat-elle suffisamment fort?

Les négociations de la COP21 continuent toujours à Paris. Hier, j’ai fait la rencontre de Marion Richard, Coordinatrice du  Réseau Climat Développement, France et Aissatou Diouf, Chargé de plaidoyer changement climatique, Sénégal. Nous avons discuté ensemble à propos du futur Accord de Paris et de la situation de l’Afrique.

Où sont nos dirigeants? Où sont nos ministres?

Beaucoup s’étonne du grand silence des dirigeants et ministres africains. “On a l’impression qu’ils ne sont pas ici”, dit Aissatou Diouf. Seul l’Afrique du Sud a parlé au nom du G77. “Où sont nos dirigeants? Où sont nos ministres? Il est difficile pour nous de savoir qui va défendre et parler pour notre communauté. Nous voulons qu’ils prennent la parole et qu’ils fassent pression sur la question financière, la technologie, les droits humain et l’égalité des sexes.”, clame-t-elle.

Aissatou Diouf (g) et Marion Richar (d)
Aissatou Diouf (g) et Marion Richard (d)

Les points vitaux pour l’Afrique dans cet accord:

Financement de la lutte contre le changement climatique

L’Afrique et les petits États insulaires se disputent pour être inscrits comme étant les plus vulnérables dans cette fameuse résolution qui tarde à naître. Marion Richard estime que ce n’est pas le plus important. « Si l’Afrique est décrite comme la région la plus vulnérable, mais qu’au final, elle n’obtient pas de financement, alors cela ne signifie absolument rien”.

A partir de 2020, les pays du Nord ont promis 100 milliards de dollars aux pays du Sud pour financer la transition énergétique. Cette somme reste pour le moment au coeur des débats.

Aux dernières nouvelles, un problème réside sur le fait que les pays développés ne veulent plus être les seuls à payer. Dans le texte, ils sont reconnus comme étant historiquement responsables de la pollution et sont donc obligés de fournir le financement de la lutte contre le changement climatique. Mais ils demandent à ce que les pays du BASIC – Brésil, Afrique du sud, Inde, Chine – participent aussi au financement climatique. Or ces derniers ne veulent pas fléchir sur ce point.

1,5 ou 2 degrés?

De plus en plus de pays sont d’accord à limiter l’augmentation de la température mondiale à 1,5°C. “Ceci est très important pour l’Afrique et pour la plupart des pays vulnérables parce que 2 degrés c’est déjà trop. Mais une fois de plus, cela ne servirait à rien si l’on ne met pas les moyens pour y parvenir.”, dit Marion. Ces pays devraient définir un objectif à long terme. Par exemple, décarboniser l’économie d’ici 2050 ou utiliser 100% d’énergie renouvelable d’ici 2050. Parce qu’avec les INDC actuels, on court vers un réchauffement climatique de 3°C. “C’est terrible. Ce sera le chaos pour le continent noir.” Il est donc important de réviser ces engagements nationaux.

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Il faut un mécanisme de révision

L’enjeu c’est d’abord avoir tout le monde à bord mais aussi d’avoir un mécanisme d’évaluation et de révision tous les  5 ans.

Comme ça on relève le niveau de l’ambition à la fois sur les questions de réduction des émissions de gaz à effet de serre et sur les questions de financement”, dit Aissatour Diouf.

Si on essaie d’avoir des compromis et amener tout le monde à accepter les cycles de révision, peut-être qu’on pourrait atteindre les objectifs qu’on s’est fixé avant 2020”, explique-t-elle.

Accord ou pas? Et ensuite?

Aissatou Diouf et Marion Richard sont confiantes qu’il y aura bien un accord demain. La question qui reste est de savoir si il sera suffisamment ambitieux ou pas. Elles en doutent vu l’évolution des choses.

En tout cas, la lutte continue. L’accord de Paris ne résoudra pas les problèmes de changement climatique.

« Paris n’est pas un point d’arrivée, c’est un point de départ. »

« On doit continuer à travailler au niveau de nos pays pour renforcer la mobilisation et la concientisation citoyenne, pour faire en sorte que nos gouvernements soient redevables vis-à-vis de nous et qu’on soit consulté pour les solutions », s’enthousiame Aissatou Diouf. 


COP21: Madagascar marque des points

COP21? Engagement-climat? Est-ce réellement une priorité pour un pays comme Madagascar? Des personnes pensent que seule la lutte contre la pauvreté est primordiale.

Moi, je pense que dans un pays où il y a tant à faire, où tout reste à reconstruire, une chose positive de faite est déjà un pas en avant, même si ce n’est pas lié directement à l’économie ou au social.

Pavillon de Madagascar à la COP21
Pavillon de Madagascar à la COP21

Je suis actuellement à Paris pour assister à la COP21 en tant que journaliste citoyenne et même si je ne suis affiliée à aucune délégation, c’est quand même une sacrée fierté de voir que Madagascar a son pavillon dans ce concert des nations. Pour mes amis du Kenya, par exemple, leur pays n’en a pas.

En quête d’informations à partager à mes lecteurs, j’ai donc essayé plusieurs fois d’approcher les responsables de la délégation malgache à Paris. Malheureusement, Dr Hery Rakotondravony, du haut de son piédestal de directeur du Bureau de Coordination des Changements Climatiques de Madagascar, ne semble pas vouloir m’accorder même cinq minutes de son si précieux temps. Jean Pierre Feno, le Directeur Général du Trésor quant à lui veut bien répondre à mes questions mais ne m’autorise pas à publier ses mots. A quoi bon? Ces fameuses négociations relèvent-elles du secret d’état pour qu’une fois de plus les citoyens sont poliment priés de passer leur chemin? Bref, je suis allée pêcher ailleurs.

L’initiative AFR100

L’initiative AFR100 engage une dizaine de pays africains, dont le Congo, le Kenya, le Niger, l’Ouganda, le Burundi, le Rwanda, le Liberia, le Malawi, le Togo et Madagascar, à restaurer 100 millions d’hectares de forêt d’ici 2030.

Lors d’un forum dans le cadre des discussions climatiques des Nations unies, la Banque mondiale, le gouvernement allemand et d’autres partenaires se sont engagés à consacrer plus d’un milliard de dollars américains en fonds de développement et 540 millions USD en financement privé pour une réforestation massive en Afrique.

Pour le cas de Madagascar, intégrer un tel programme est fondamental. En effet, les forêts qui font sa rénommée risquent bel et bien de tout bonnement disparaître. L’année dernière, l’île a perdu près de 320 000 hectares, soit 2% de sa superficie forestière. Or elles abritent des espèces végétales et animales parmi les plus endémiques au monde.

Prix Équateur 2015

Le prix équateur 2015 est une récompense aux efforts communautaires qui visent à réduire la pauvreté, à protéger la nature et à renforcer la résilience face aux changements climatiques. 21 lauréats ont été choisis émanant des pays suivants: Belize, Bolivie, Brésil, Cambodge, Chine, Colombie, République démocratique du Congo, Ethiopie/Kenya, Honduras, Indonésie, Madagascar, Malaisie/Indonésie, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Tanzanie et Ouganda.

Les gagnants participent à un sommet communautaire pendant les deux semaines de la COP21 à Paris. Ils ont reçu des récompenses de 10 000 USD chacun le 7 décembre 2015.

Union Soamitambatra est le projet malgache qui a reçu ce prix équateur 2015. C’est une initiative fondée sur le système traditionnel de gouvernance malgache donc gérée par le “fokonolona” (groupe communautaire) et financée grâce au collecte de “dina’’ (cotisation des citoyens) pour régénérer la forêt Badika (dans la région du sud ouest de Madagascar) et ses lacs environnants.

Parce que l’Océan:

Selon des études récentes, l’océan absorbe 25% des CO2 émis et 90% de l’excès de chaleur associée au changement climatique. Il représente pourtant 75% de la surface de la terre et produit la moitié de l’oxygène respiré par chaque être humain. Il va sans dire que c’est également une source principale d’alimentation et de revenus pour de nombreuses populations côtières. Reconnaître et inclure l’océan dans les débats climatiques est donc une juste évidence.

Des représentants étatiques et de la société civile se sont retrouvés le 29 novembre à Paris lors de l’évènement Because the Ocean, tenu au Pavillon Tara « Océan & Climat ». A ce jour, 22 pays (Aruba, Australie, Canada, Chili, Colombie, Costa Rica, la Republique dominicaine, Fidji, France, Guinée-Bissau, Kiribati, Madagascar, Mexique, Monaco, Maroc, Pays Bas, Nouvelle Zélande, Palau, Sénégal, Seychelles, Espagne, Suisse) ont signé la déclaration “Because the Ocean” et soutiennent trois objectifs concrets et communs: un rapport spécial sur l’océan par le GIEC, la Conférence des Nations Unies sur l’océan SDG à Fidji en Juin 2017, et l’élaboration d’un plan d’action pour les océans sous la CCNUCC.

Les signataires de la déclaration Parce que l’Océan le 4 Décembre (de droite à gauche): Valvanera Ulargui Aparicio, directrice du Bureau espagnol du changement climatique; Prince Albert II de Monaco, hôte de la cérélonie; Hans Hoogeveen, vice-ministre néérlandais de l’agriculture; Ralava Beboarimisa, ministre malgache de l’environnement; et Hakima El Haite, ministre marocain de l’environnement. © IIDD

Y a-t-il d’autres projets intéressants pour Madagascar?

En posant la question à Michel Omer Laivao, responsable de l’unité changement climatique au ministère malgache de l’environnement et des forêts, humblement, ce dernier ne souhaite pas se prononcer: “C’est à nos ministres de faire les déclarations mais en tout cas il y a beaucoup de projets acquis et en cours de discussion pour Madagascar en dehors des négociations de la COP21’’, promet-il.

 


COP21: de l’espoir pour l’Afrique?

Nous sommes à deux jours de la fin de la COP21 et un suspens insoutenable plane sur la ville: l’accord de Paris sera-t-il signé ou pas ? Beaucoup semblent pessimistes.

Amy Dahan Dalmedico, directeur de recherche au CNRS et directeur-adjoint du Centre Alexandre Koyré : « Là, on est à mi-parcours, je ne sais pas comment ça va se finir. Il faut qu’il y ait une clause de révision des engagements régulières et transparentes. C’est très important. Si on n’y arrive pas cette année, il faudra qu’on revienne à la charge l’année prochaine. Sinon, ce sera toujours un divorce entre les mots et les actes, les paroles et les faits. Il faut qu’on en parle, que les projecteurs soient braqués sur les pays pour voir où est-ce qu’ils en sont, avec les scientifiques qui surveillent. »

Mais qu’est-ce qu’on peut déjà retenir de la COP21?

Amy Dahan Dalmedico
Amy Dahan Dalmedico

Amy Dahan Dalmedico: « Ce qui a changé par rapport aux autres années, c’est que tout le monde est là. Tout le monde s’est engagé à combattre le changement climatique. Donc, de ce point de vue là, tout le monde est concerné. »

En effet, les pays ont montré leur volonté de s’engager dans la lutte contre le changement climatique notamment en soumettant leurs contributions nationales (INDC). 53 sur 54 états africains ont fait leur part.

Dr Johnson Nkem
Dr Johnson Nkem

Lors de la journée de l’Afrique, le 8 décembre, Dr Johnson Nkem de la commission économique des Nations Unies pour l’Afrique déclara : « Les INDC des pays africains couvrent au total 10 secteurs: l’énergie, l’agriculture, la foresterie, l’industrie, la gestion des déchets, le transport et infrastructures, la santé, l’écosystème et la biodiversité, la ressource en eau et la protection des zones côtières. »

Hery Rajaonarimampianina, président de la république malgache, a d’ailleurs précisé dans son discours: ‘’Je porte ici aussi la parole des 600 000 sinistrés climatiques que nous enregistrons chaque année, je parle de la destruction des infrastructures sociales et de production, ainsi que de la perte de récoltes par milliers de tonnes, due à l’ensablement des surfaces cultivées, alors que l’amélioration de la nutrition de notre population est une préoccupation centrale dans notre lutte contre la pauvreté. Le changement climatique est en train de miner ce que nous avons de plus important pour notre développement: notre Capital naturel.’’

Madagascar, dans ses INDC, s’engage ainsi à réduire de 14% ses émissions de gaz à effet de serre. ‘’Avec l’appui de nos partenaires, nous estimons pouvoir atteindre l’objectif de réduction de 30%. Dans cette même ligne, Madagascar, augmentera de 32% sa capacité d’absorption d’ici 2030 et s’efforcera de consolider un puits de carbone compatible avec son essor économique’’, dit le président de la république malgache.

Où en est l’Afrique dans ces négociations? Peut-on être confiant?

Activistes représentant la société civile à la COP21
Activistes représentant la société civile à la COP21

Le Réseau Action Climat estime que « Jusqu’à présent, la société civile africaine a trop peu entendu les pays africains dans ces négociations climat. Il reste quelques heures seulement aux Ministres et chefs de délégations africains pour prendre la parole pour défendre haut et fort les intérêts leurs populations, qui sont déjà très affectées par les changements climatiques. Ils ont dans leurs mains le destin des communautés africaines, les plus pauvres et les plus vulnérables.’’

Amy Dahan Dalmedico est persuadée que : « L’Afrique n’aura pas suffisamment encore de garantie sur l’argent qu’elle devrait recevoir. Pas mal de pays africains ont fait des efforts en ce qui concerne les INDC mais à condition qu’ils reçoivent les fonds nécessaires évidemment. Ils vont en recevoir un peu. Mais d’abord, ce ne sera pas pour tout de suite. D’ici 2020, rien n’est garanti comme somme. Je pense que de ce point de vue là, il faut continuer à se battre pour une augmentation des chiffres. Et ce n’est pas seulement l’Afrique qui se bat. Tout le monde est conscient du fait qu’il faudra beaucoup d’argent pour équiper, aider un continent comme l’Afrique à prendre une énergie soutenable et aussi adapter l’agriculture aux impacts climatiques. »

Michel Omer Laivao, responsable de l’unité changement climatique au ministère malgache de l’environnement et des forêts, déclare quand à lui que « Les négociations sont toujours en cours et on exploite à fond toutes les techniques de négociation. L’Etat Malgache n’est pas perdant tant que la COP n’est pas terminée. »

 

 

 

 


Hôtel Happy: un engagement citoyen

Mahavelona, plus connu sous l’appellation « Foulpointe », est une ville située dans la zone littorale est de Madagascar. J’aime bien y passer des vacances pour sa proximité par rapport à Antananarivo (d’où je suis), pour sa plage paisible et pour le coût de la vie qui est plus ou moins abordable. J’y suis allée récemment et j’ai fait la rencontre d’une personne assez unique en son genre: RASOLOARIMANANA Andriamananjara (Njara), gérant/associé de l’hôtel Happy où j’ai séjourné.

Compte-tenu du fait que Foulpointe est une destination touristique, les hôtels y pullulent mais l’établissement que notre ami Njara gère émerge du lot. En effet, Happy est presque entièrement autonome quant à son approvisionnement en énergie: il utilise des panneaux solaires.

Panneaux solaires utilisés par l'hotel Happy - Foulpointe MadagascarPourquoi l’énergie solaire?

« Nous avons le soleil toute l’année (de 310 à 320 jours par an). Pourquoi s’en priver?« , réplique Njara.

Il explique aussi que c’est leur contribution à la protection et à la préservation de l’environnement. Enfin et non des moindres, c’est pour ne pas être dépendant de la JIRAMA (fournisseur en eau et électricté à Madagascar). A Foulpointe, pendant les périodes de vacances, surtout de juin à aout, même en septembre, il y a deux délestages: le matin et le soir. « Nous avons de l’autonomie grâce à l’énergie solaire. Ce qui satisfait la clientèle« , avoue-t-il.

Hotel Happy Foulpointe MadagascarJ’ai découvert cet hôtel l’année dernière. Son emplacement lui assure une tranquilité à toute épreuve que moi, petite citadine stressée, recherche. Une chose qui m’a attiré de prime abord, c’est ses couleurs vives. Chaque chambre a sa propre couleur et ça donne à l’ensemble un air vivant.

Hotel Happy Foulpointe ToamasinaDans les chambres, l’utilisation de puissants appareils électriques est interdite. J’ai demandé à Njara si une telle interdiction ne décourageait pas les clients. Il m’a affirmé que les clients comprennent leur idée de protection de l’environnement. D’ailleurs, ce qui importe surtout pour les clients c’est qu’il n’y ai pas de coupure de courant. Moi, franchement, je peux me passer de ces appareils pour quelques jours de vacances paisibles. En fait, ce que j’aime aussi c’est leur chambre familiale avec cuisine où, quand je séjourne avec mes enfants, je peux leur préparer à manger comme à la maison et ils adorent ça. Pour information, l’hôtel propose également des chambres double et pour 4 personnes.

D’où vient cette idée de protéger l’environnement?

A Madagascar, il est assez rare de rencontrer un entrepreneur qui se soucie vraiment de l’environnement et qui en a fait la base de son modèle économique.

RASOLOARIMANANA Andriamananjara (Njara), gérant/associé de l’hotel Happy
RASOLOARIMANANA Andriamananjara (Njara), gérant/associé de l’hôtel Happy

Njara est-il un activiste écologique? Je ne sais pas. Ce qui est sur c’est qu’il a un mode de vie qui diffère de la pluplart des malgaches.

A part les plaques solaires, son foyer utilise aussi un four solaire et des « fatana mitsitsy » (réchauds à charbon économiques) de l’ADES. « Au lieu de dépenser 1kg de charbon, nous n’avons besoin que de 250g« , explique Njara. « Les produits ADES sont très intéressants mais peut-être qu’ils ne sont pas à la portée de tous les foyers malgaches. 15,000Ar pour le réchaud d’ADES est un prix correct mais les gens préfèreront sans doute les soit-disant « fatana mitsitsy » qui sont moins efficaces mais qui coûtent 2,000 ou 3,000 Ariary au marché », précise-t-il.

La pépinière de Njara
La pépinière de Njara

Njara a la main verte. Il plante des arbres fruitiers, des légumes et des brèdes dans son jardin. Il fait lui-même son compost. « Je ne veux absolument pas utiliser des produits chimiques pour justement protéger l’environnement« , dit-il. Et il ajoute:

« Même si c’est une petite initiative personnelle, c’est ma contribution à la lutte contre le réchauffement de la planète. »

Changement climatique à Madagascar?

Voici ce qu’en dit Njara:

« Il y a le changement climatique à Madagascar et dans le monde entier d’ailleurs. Pour donner des exemples sur la côte Est de l’île, les bordures de la plage diminuent à cause de la montée des eaux parce que les glaciers du pôle nord fondent. Les températures à Toamasina qui  devraient être aux alentours de 30°C montent jusqu’à 32, 34, 35. Avant le soleil ne brulait pas la peau. Ce n’est plus le cas actuellement. »

Njara estime humblement que ce qu’il fait relève d’une petite initiative. Moi, je suis persuadée que le changement passe par de telles petites initiatives citoyennes. Je lui souhaite sincèrement sa « part de soleil » dans son entreprise.

*** Cet article a été réalisé dans le cadre du projet Médias21 Afrique de CFI, l’agence française de coopération médias.


L’Afrique et le défi énergétique

Depuis quelques mois (pour ne pas dire années), la population malgache n’en peut plus des délestages quotidiens. Des délestages qui sont devenus une préoccupation principale des Malgaches, car ils affectent jusqu’à leur subsistance.

J’avoue qu’étant moi-même victime de ces coupures intempestives, j’ai cherché une solution à ce problème en me tournant vers les énergies renouvelables. Jusque-là, je ne me suis pas lancée parce que je trouve que les offres présentes sur le marché sont hors de prix. Le souci ne réside pas dans la question de rendement à long terme mais surtout l’accès onéreux à une énergie propre. Un panneau solaire pour juste deux lampes, la télé et charger un téléphone coûte environ 800 000 ariary. L’électrification de toute la maison (lampe dans chaque pièce, télé, frigo…) peut facilement monter jusqu’à 30 millions d’ariary selon une connaissance.

Je suis actuellement à Victoria Falls, Zimbabwe pour assister à la 5e conférence annuelle sur le changement climatique et le développement en Afrique (CCDA-V). Et durant les différents discours et discussions, on estime à de plus de 500 millions le nombre d’Africains qui n’ont pas accès à l’électricité. Le problème est énorme. D’autant plus, l’électricité pour tous est l’objectif à atteindre en 2030 en Afrique.

Des pratiques destructrices de l’environnement

Pr Thomson Sinkala
Pr Thomson Sinkala

Le professeur Thomson Sinkala, président de Biofuels Association de Zambie, a avancé que l’Afrique a vécu avec des pratiques qui se sont révélées destructrices pour l’environnement: la culture itinérante, la production incontrôlée de charbon, le braconnage, les feux de brousse qui restent souvent impunis, le gaspillage né d’une exploitation minière sauvage et irréfléchie. Il donne même des chiffres montrant l’énormité de la perte: “On a besoin de 6 à 10 tonnes de bois pour produire 1 tonne de charbon de bois; et chaque ménage consomme 1 à 1,3 tonne de charbon par an

Que faire?

Le charbon a énormément affecté l’écologie, l’économie et la santé. Il est évident qu’il faut faire quelque chose. Les experts proposent diverses solutions à l’utilisation des charbons de bois et du bois de chauffe mais aussi l’électrification. Il y a le panneau solaire, l’énergie éolienne, la biomasse, le biogaz, l’éthanol… des énergies qui se caractérisent toutes par leur propreté et leur état perpétuel.

Je suis personnellement convaincue des bénéfices qu’apportent ces énergies propres. En effet, le professeur Muna Ahmed et son équipe de chercheurs ont offert des unités de biogaz à 15 ménages dans l’Etat du Kordofan Nord-Soudan. Elle a cité quelques atouts sur l’utilisation du biogaz : les femmes n’ont plus besoin de couper et utiliser le bois, le temps passé à la cuisine est réduit, et ça donne plus de temps à passer avec les enfants.

Les énergies vertes et renouvelables réduisent également les risques d’infections respiratoires puisqu’elles sont sans fumée et sans cendre. L’écologie n’est pas en reste avec une réduction de la déforestation et des émissions de gaz à effet de serre.

Lampe solaire que j'ai vu à l'exposition de CCDA-V
Lampe solaire vue à l’exposition de CCDA-V

Mais qu’est-ce qui empêche donc les Africains d’adopter ces solutions?

Selon Anne Nyambane, ESPA Fellow at the SEI Africa – Nairobi, beaucoup de gens vivent de la forêt. Ils y trouvent de la nourriture, des plantes médicinales. Ils y prennent du bois. “La promotion de l’énergie propre aurait un impact négatif sur ces personnes”. Les énergies renouvelables peuvent aussi donc détruire toute une mode de vie.

Il y également le manque de sensibilisation, mais surtout, je pense, le problème de coût auquel j’ai fait allusion plus haut.

Kit solaire vu à l'exposition de CCDA-V
Kit solaire vu à l’exposition de CCDA-V

Comment peut-on y remédier ?

J’ai eu l’opportunité d’échanger avec le professeur Thomson Sinkala sur la question. Et voici comment il voit les choses.

L’État pourrait, par exemple, demander aux producteurs de charbon de payer des taxes. Ce qui augmenterait le prix du charbon » (et implicitement rendrait le prix des énergies vertes moins cher).

Il pense également que si  le gouvernement décidait d’opter pour une politique de remplacement du charbon par les énergies alternatives afin de préserver la forêt et les réserves naturelles, alors, les gens arrêteraient de faire du charbon pour produire, par exemple, du bioéthanol.

Anne Nyambane rajoute qu’il faudrait choisir des emplacements plus proches des utilisateurs pour réduire les coûts de transport. Elle pense aussi que le renforcement des capacités des habitants pourrait beaucoup réduire le coût de l’emploi.

Sinon, on peut aussi considérer la facilité de prêt auprès des institutions de microfinance pour que les ménages africains puissent avoir accès à ces énergies vertes et renouvelables, a-t-on suggéré lors de la CCDA-V. Un exemple qui marche. Le projet M-KOPA propose une facilité de paiement pour que les foyers du Kenya, de Tanzanie et d’Ouganda puissent s’offrir des petits panneaux solaires.

 


Des paysans malgaches découvrent la permaculture

Comme vous l’avez sans doute remarqué, depuis quelque temps, je me suis intéressée de plus près au changement climatique. J’essaie surtout de partager avec vous les initiatives pour lutter ou diminuer les impacts de ce fléau planétaire. Aujourd’hui, je vais parler d’une technique agricole.

Les 28 et 29 septembre 2015 Ecovillage Madagascar a organisé une initiation de quelques paysans malgaches à la permaculture. J’ai été ravie d’avoir assisté à une partie de cette formation.

Qu’est-ce que la permaculture? Quels sont ses atouts?

Andrianjafy Rasoanindrainy
Andrianjafy Rasoanindrainy

Andrianjafy Rasoanindrainy, principal initiateur et fondateur du projet Ecovillage Madagascar, explique: « En résumé, la permaculture est un système de culture permanente. Dans un contexte de pauvreté et d’insécurité alimentaire comme à Madagascar, cela a son importance puisque cela implique une production alimentaire continue et donc une sécurité alimentaire continue et améliorée.
Dans le fond, la permaculture va au-delà de la simple agriculture, c’est une façon de penser, de vivre, c’est une philosophie et d’autres diront c’est un art
. »

Afin d’améliorer les conditions de vie des populations rurales et surtout pour améliorer l’environnement et la gestion des ressources naturelles, l’Ecovillage Madagascar organise des séances de formations en permaculture. En effet, selon Andrianjafy, le paysan malgache est devenu dépendant des moyens dits « modernes », coûteux et non durables qui détruisent son environnement au fil du temps. « Le paysan malgache travaille beaucoup pour rien. Il n’y pas vraiment d’efficience. En fin de compte, sa vie ne s’améliore pas. »

Et convaincre les paysans de changer et d’adopter les techniques de permaculture est tout sauf facile. « La permaculture utilise plus de ressources intellectuelles que de ressources musculaires et parce que les paysans ont déjà été éduqués depuis des décennies aux mauvaises manières de produire rapidement juste pour manger demain« , avoue Andrianjafy.

Que pensent les participants et/ou paysans de ce système?

J’ai profité de l’occasion pour discuter un peu avec quelques participants de la formation. « Ça me fait rêver. Ça me donne espoir« , répondit François Rasavelo.

Fidy Andriamanalina  est aussi enthousiaste. « La façon dont on utilise le sol change. Désormais, avec cette nouvelle méthode, on peut cultiver tout au long de l’année et on abandonne la monoculture (une seule espèce de plante sur une parcelle) ».

Rasoamanana Sylvain
Rasoamanana Sylvain

Rasoamanana Sylvain va mettre à l’essai les techniques permaculturales qu’il vient d’acquérir. « Si ça marche, je vais les adopter« , dit-il. Mais Sylvain a relevé un problème de matériel pour la mise en place de cette méthode, notamment, le système d’arrosage. « En attendant, je vais continuer à utiliser mon arrosoir« , confia-t-il.

Rakotonirina Célestin a déjà mis la permaculture en pratique. En effet, il habite dans l’Ecovillage Madagascar à Talatanivolonondry. « Ma façon de vivre a changé. Ça s’est amélioré. C’est moins fatigant. Je peux gagner ma vie avec les bonnes récoltes« , témoigne-t-il.

Changement climatique et permaculture

Les quelques paysans avec qui j’ai discuté ne ressentent pas encore l’imminence du danger que représente le changement climatique.
Au contraire, Andrianjafy Rasoanindrainy affirme qu’à Madagascar, le changement climatique s’avère plutôt bénéfique, car il y a plus de pluie et de chaleur et cela est un atout pour l’agriculture.
Un aperçu d'une parcelle permaculturale
Un aperçu d’une parcelle permaculturale
Néanmoins, ces paysans sont persuadés que cette nouvelle méthode agricole contribue à la lutte contre le changement climatique. En effet, ils n’utilisent plus de produits chimiques. Premièrement, plus d’engrais chimiques. Ils donnent place au compost et au fumier. Deuxièmement, plus d’insecticides. Grâce au système multicultural, « les plantes se protègent entre elles ». Par exemple, les insectes nuisibles aux carottes n’aiment pas les oignons. L’association de ces deux espèces de plantes sur une même parcelle éloigne donc les insectes.
« Et l’abandon des produits chimiques est triplement bénéfique: pour la santé, pour l’environnement et pour le portefeuille« , reconnaît Rasoamanana Sylvain.
Un pot de pépinière en papier journal
Un pot de pépinière en papier journal

J’ai noté qu’en permaculture, on utilise beaucoup moins d’eau par rapport au système traditionnel. Et j’ai pu aussi observer qu’ils utilisent du papier journal pour faire des pots de pépinières. Méthode simple et ingénieuse. J’adopterai bien ce système permacultural lorsque, plus tard, j’aurai un jardin potager.

*** Cet article a été réalisé dans le cadre du projet Médias21 Afrique de CFI, l’agence française de coopération médias.


Que faire sans sacs plastique ?

Que faire sans sacs plastique ? Plusieurs se posent cette question. En effet, la loi bannit les sachets et sacs plastique à Madagascar à partir du 1er octobre 2015.

Cette loi entre a priori dans le cadre de la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination, mais prend part également dans la lutte contre le changement climatique. La production des sacs en plastique consomme des produits pétroliers, de l’eau, de l’énergie, et émet des gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique.

Que pensent les gens de cette loi ? Que prévoient-ils pour remplacer les sacs plastique ?

Je suis allée au marché d’Andravoahangy pour parler aux consommateurs et vendeurs, premiers touchés par cette loi.

Beaucoup s’accordent à dire que c’est une bonne initiative de la part de l’État pour préserver l’environnement. En effet, les sacs plastique sont jetés n’importe où et bouchent les canalisations, flottent sur les fleuves, volent un peu partout dans la nature.

N’empêche que des doutes s’installent. Côté vendeurs : « Nous n’avons aucune idée de remplacement pour ces sacs plastique ». C’est aux clients de se débrouiller disent certains « s’ils n’achètent pas, tant pis », ajoute Mme Lija vendeuse de fruits ; c’est à l’État de proposer une solution suggèrent d’autres « Ils ont décidé cette loi. Ils n’ont qu’à proposer des solutions ». Quelques vendeurs s’en préoccupent sérieusement,car les clients ne veulent rien savoir, disent-ils, et n’achètent pas si on ne leur donne pas de sacs « et ce sera sûrement une dépense de plus qu’on devra ajouter au prix des marchandises », s’inquiète Claudine, vendeuse de légumes.

Photo: Ariniaina
Panier en paille

La plupart des consommateurs, quant à eux, avouent avoir un peu de mal à se passer de ces sacs. Beaucoup attendent de voir ce qu’on leur proposera comme solution et ne s’en préoccupent pas trop pour le moment. Les sacs en papier feront sûrement leur retour. Des sacs en toile sont déjà sur le marché. Sinon, il y a le traditionnel panier en paille « vita Malagasy ».

Ou des sacs biodégradables

J’ai fait la rencontre de Mamitiana Razanakolona, responsable des ventes chez Gasyplast. Cette entreprise 100 % Malagasy, officiellement créée en novembre 2014, propose des sacs biodégradables.

Les sacs sont fabriqués à base d’amidon de manioc et sont entièrement biodégradables. Ils ne contiennent aucun composant chimique et n’ont aucun effet néfaste pour le sol. Au contraire, ils améliorent l’apport calorifique du sol.

Après avoir suivi une formation en Indonésie, le personnel de Gasyplast a acquis le savoir-faire et l’entreprise dispose de machines de pointe et de son propre laboratoire.

Photo: Ariniaina
Sac biodégradable produit par Gasyplast

Gasyplast peut produire 18 modèles de sacs de différentes tailles : sac à poignée haricot, sac à poignée à bretelle, sac à ordures, sac de blanchisserie, pot de pépinière…Un show-room ouvrira très prochainement ses portes à Anosivavaka où les consommateurs pourront se procurer ces sacs biodégradables qui seront, pour le moment, vendus en packs.

« Nous avons déjà élaboré le projet depuis bien longtemps car notre but est d’aussi préserver l’écologie. La sortie du décret n’a fait qu’accélérer les choses,» précise Mamitiana. « Même s’il y a des points négatifs comme la perte de travail pour plusieurs personnes, nous prenons cette loi positivement. Elle a pour but de préserver et d’améliorer l’environnement et ça coïncide avec l’objectif de Gasyplast, » ajoute-t-elle.

Le prix de ces sacs biodégradables sera légèrement supérieur à celui des sacs plastique. Il faut considérer que, pour le moment, Gasyplast importe les matières premières. Le marché local n’arrive pas à satisfaire le besoin en amidon de l’entreprise qui est d’une tonne par jour. Aussi, elle ne possède pas encore la machine pour produire les matières premières.

« Nous espérons que, dans un futur assez proche, nous puissions travailler avec des paysans et entreprises locaux. Les paysans fourniront ainsi les matières brutes et une autre entreprise produira l’amidon, » dit Mamitiana.

L’Afrique bannit les sacs plastique

L’Afrique du Sud et le Rwanda ont été les premiers sur le continent à prendre des initiatives pour interdire les sacs plastique. D’autres pays ont ensuite emboîté le pas tels que la Tanzanie, le Gabon, la Somalie, le Botswana, l’Algérie, le Tchad, le Maroc, le Cameroun, la RDC  le Mali, la Mauritanie, le Togo, la Côte-d’Ivoire, le Burkina Faso, la Guinée-Bissau, le Niger…, très récemment Madagascar et le Sénégal.

 

 


Afrique : l’agriculture innove, le climat s’améliore

L’agriculture est un des secteurs les plus directement touchés par le changement climatique. Victime de ce fléau planétaire, elle est affectée par la hausse de température et la baisse des précipitations. En même temps, nul ne peut nier que l’agriculture, voire la production agricole à rendement massif, fait aussi partie des causes du changement climatique. En effet, la culture sur brûlis, l’utilisation de pesticides d’engrais inorganiques, entre autres, sont autant de sources d’émission de gaz à effet de serre (GES).

Photo: Sophie Mbugua. Avec permission
Machakos Kenya – Crédit Photo: Sophie Mbugua. Avec permission

Des recherches scientifiques ont été menées tant sur les impacts du changement climatique à l’agriculture que sur les solutions possibles. Je me suis intéressée beaucoup plus au cas de l’Afrique et surtout de Madagascar.

A Taita Hills (Nairobi, Kenya), par exemple, les chercheurs et agriculteurs ont confirmé la prolifération des insectes nuisibles à cause de la hausse de température ainsi qu’à la baisse de la production due justement à ces foreurs de tige mais aussi au manque de pluie.

Narindra Rakotovao, étudiante en 3e année de thèse, Laboratoire des RadioIsotopes à l’Université d’Antananarivo, a mené des études sur les Hautes Terres (Itasy) et dans la région Est (Analanjirofo) de Madagascar. Les champs de riz sont les causes principales de GES surtout dans la zone Est où les agriculteurs cultivent deux fois  par an du riz.

Arusha Tanzania - Crédit Photo: Sophie Mbugua. Avec permission
Arusha Tanzania – Crédit Photo: Sophie Mbugua. Avec permission

« Pour atténuer le changement climatique, il faut réduire les émissions de GES dans l’atmosphère« , explique Olufemi Emmanuel Ayanfeoluwa, chercheur nigérien spécialiste en engrais organique.

Au Nigeria, Olufemi Emmanuel Ayanfeoluwa (que j’ai eu le plaisir de rencontrer ici à la conférence Our Common Future Under Climate Change) propose le compost accéléré. Il a, en effet, mené des recherches sur une nouvelle technologie de compostage qui mûrit plus rapidement en 21 jours (au lieu de 3 mois pour le composte normal). L’utilisation de ce compost sera bénéfique pour les agriculteurs en terme de production. Aussi, ce type de composte est idéal pour l’environnement puisqu’une grande partie du carbone sera séquestré dans le sol et non émis dans l’atmosphère.

Les recherches de Edward Yeboah, chercheur ghanéen, l’amènent à proposer le biochar, du charbon à usage agricole. C’est un produit organique très riche en carbone, issu de résidus agricoles renouvelables. Le biochar améliore la fertilité des sols. Aussi, le carbone dans le biochar est stable dans le sol, absorbant ainsi du carbone de l’atmosphère.

A Madagascar, Narindra Rakotovao s’est concentrée  sur l’empreinte-carbone. D’après ses évaluations, par rapport au système traditionnel de culture du riz, avec le système de riziculture intensive (SRI) l’émission du méthane est réduite jusqu’à 50 %.

Est-ce que les solutions qui s’appliquent à l’Afrique de l’Ouest pourront également s’adapter à l’Afrique de l’Est?

Edward Yeboah est convaincu que géographiquement, les solutions applicables pour lutter contre le dérèglement climatique devraient pouvoir s’appliquer à l’ensemble de l’Afrique et que les différences à adapter au cas de chaque pays sont moindres, s’il y en a.

Ces innovations agricoles semblent les unes comme les autres très intéressantes. Maintenant, la question qui se pose c’est comment convaincre les agriculteurs de les utiliser? Le problème majeur étant, dans presque toute l’Afrique, le coût que l’adoption de ces nouvelles technologies engendre. Affaire à suivre.


La science à la rescousse du changement climatique

Paris, France: Place aux scientifiques pour discuter du changement climatique à la conférence « Our Common Future Under Climate Change » (notre avenir commun face au changement climatique). Plus de 2 000 personnes venant du monde entier marqueront leur présence pendant 4 jours de colloque. Ce sont des chercheurs scientifiques, des étudiants, des personnalités politiques et diplomatiques, des journalistes…

Il faut dire que le changement climatique est, à l’approche de la conférence internationale sur le même thème qui verra la participation des principaux décideurs Étatiques du monde entier: le COP 21, le sujet du moment, le sujet qui anime tous les débats pour un monde meilleur.

Grâce à l’appui de CFI dans le cadre de la formation Médias 21, nous sommes une vingtaine de journalistes et blogueurs de Kenya, Tanzanie, Rwanda et Madagascar à assister à cette conférence.

CFCC Paris Juillet 2015

Le but de CFUCC est de partager la connaissance actuelle sur le dérèglement climatique grâce aux recherches scientifiques afin de mieux appréhender les solutions futures. Un exemple:

Sandrine Bony, Directrice de recherches au CNRS et spécialiste de la modélisation des climats, compare les recherches scientifiques à un puzzle dont chaque pièce qui constitue une information est importante.

Et qu’est-ce qu’il y a en Afrique?

Notre équipe a eu l’occasion de discuter avec Edward Yeboah, un chercheur ghanéen. Ce dernier explique qu’il y a continuellement des recherches à faire en Afrique. Le problème auquel font souvent face les chercheurs africains sont le manque de financement et de matériels.

Des chercheurs malgaches du Laboratoire des RadioIsotopes à l’Université d’Antananarivo, vont participer à cette conférence. Tantely Razafimbelo parlera de la concentration du carbone dans le sol et de l’agriculture durable en Afrique. N. Rakotovao présentera les pratiques agroécologiques adoptées par les paysans malgaches pour réduire l’empreinte du carbone à Madagascar. H. Razakamanarivo abordera la recherche intégrée sur les sols pour faire face au changement climatique, surmonter la dégradation des sols et assurer la sécurisation alimentaire à Madagascar.

Il appartient à chacun d’apporter sa contribution dans la lutte contre le dérèglement climatique. Comme l’a dit Michel Jarraud, Secrétaire Général Météorologique de l’Organisation météorologique mondiale,

« Il est impératif d’agir sur le climat en le considérant comme un bien collectif »

 

 

 


Pourquoi le changement climatique devrait intéresser Madagascar?

Nous sommes dans la dernière ligne droite de la COP21 qui se déroulera à Paris en décembre 2015. La COP est un organe de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) – UNFCC en anglais. Cette convention qui a été adoptée en 1992 à l’issue du Sommet de la Terre à Rio de Janeiro, Brésil, est entrée en vigueur en 1993.

La CCNUCC a pour objectif ultime de stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation. Depuis 1995, les 196 pays membres de la CCNUCC se réunissent chaque année aux Conférences des Parties (COP) pour évaluer les progrès en matière de changement climatique.

Quelques résultats des précédentes COP :

En 1997, le Protocole de Kyoto a été conclu et a mis en place des obligations juridiquement contraignantes pour les pays développés de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.

Les accords de Cancún de 2010 stipulent que le réchauffement planétaire futur devrait être limité à moins de 2, 0 ° C (3,6 ° F) par rapport au niveau de l’époque préindustrielle.

Pendant la COP20 tenue à Lima, Pérou l’année dernière, les pays membres ont convenu de définir des actions qu’ils envisagent de prendre dans un accord global avant mars 2015. Ces engagements sont appelés Contributions déterminées au niveau national ou INDC (en anglais).

Jusqu’ici 43 pays ont présenté leurs INDC dont 3 pays africains qui sont le Gabon, le Maroc et l’Éthiopie.

Où en est le plan d’action climat de Madagascar ?

A noter qu’une deuxième date limite de soumission implicite est le 1er octobre 2015. Après cette date les soumissions sont encore autorisées mais ne seront pas incluses dans le rapport de synthèse de la CCNUCC, qui sera mis à la disposition des Parties pour la COP21.

L’objectif de la COP 21 est de parvenir à un accord universel juridiquement contraignant sur le climat bénéficiant de l’appui de la majorité des pays du monde.

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Le changement climatique

Dans un récent rapport sur les menaces planétaires publié par le Forum économique mondial, le changement climatique occupe la deuxième position, après le terrorisme. Il est donc crucial pour Madagascar d’agir maintenant.

La Grande Île dispose d’atouts majeurs. Avec 12 autres pays, Madagascar est considérée comme une nation méga diversifiée. Les autres nations sont : le Mexique, la Colombie, l’Équateur, le Pérou, le Brésil, la RDC, la Chine, l’Inde, la Malaisie, l’Indonésie et l’Australie. Ces pays représentent  » 70 % de la diversité mondiale « .

Le nombre d’espèces endémiques à Madagascar

Pays

Plantes vasculaires

Mammifères

Oiseaux

Reptiles

Amphibiens

Madagascar

9 505

165

262

300

234

Le climat tropical chaud et humide et les sols fertiles sont favorables à  l’agriculture. Madagascar dispose également de potentiel de développement des énergies renouvelables (mais le pays s’est concentré sur les combustibles fossiles, le charbon et l’exploitation du pétrole).

Mener correctement une lutte contre le changement climatique non seulement préservera ces ressources, mais boostera l’économie.

Madagascar a perdu plus de 4/5ème de sa surface forestière depuis un siècle. Une étude de septembre 2014 avait révélé qu’environ 36 000 hectares de forêts entre 2005 et 2010 avaient été annuellement détruits. La déforestation est principalement due à la pratique de la culture sur brûlis, la création de pâturages ou la collecte de bois de feu. Mais il y aussi la surexploitation et le commerce illégal du bois de rose et du bois d’ébène.

L’activité humaine est la principale responsable du réchauffement climatique. Et « si l’Homme l’a fait, l’Homme peut probablement le défaire », citation qu’a repris Jean-Pierre Poncet, deuxième conseiller, Délégation permanente de la République française auprès de l’Unesco.


Agriculture au Kenya : Lutte biologique contre les insectes nuisibles

Selon les chercheurs, les rendements de maïs ont baissé ces dernières années. Et l’Afrique continue de perdre 1 à 2 milliards de dollars par an. Comment y remédier ? Le projet CHIESA a effectué des recherches pour tenter d’apporter des solutions à ce problème et conseille une lutte biologique contre les insectes nuisibles qui ravagent les plants de maïs.

Champ de maïs de Mr et Mme Mwasi, agriculteurs travaillant avec ICIPE/CHIESA
Champ de maïs de Mr et Mme Mwasi, agriculteurs travaillant avec IRD/CHIESA

Le projet CHIESA

CHIESA signifie « Impacts des changements climatiques sur les services écosystémiques et la sécurité alimentaire en Afrique de l’Est ». Le projet s’intéresse en effet à l’agriculture, l’hydrologie, l’écologie et la géomatique. Ses activités se concentrent sur trois zones géographiques: le mont Kilimandjaro en Tanzanie, la chaîne montagneuse de Jimma en Éthiopie et celle de Taita au Kenya. Lors de mon séjour au Kenya pour une formation avec CFI, notre équipe a eu l’occasion de se rendre à Taita.

Dr Paul-André Calatayud, chercheur scientifique français à l’IRD – Institut de Recherche pour le Développement travaillant pour le projet CHIESA, a expliqué qu’ils ont collaboré avec quelques agriculteurs locaux pour mener leurs recherches. Ces recherches portent sur la composition du sol à différentes altitudes sur la chaine montagneuse de Taita ainsi que les insectes qui attaquent les graminées telles que le maïs.

Apparemment, la concentration en silice, élément constitutif des sols, diminue à mesure qu’on prend de l’altitude. La silice est nécessaire pour un meilleur développement du maïs et pour gêner l’alimentation des insectes phytophages ravageurs. Dr Paul-André Calatayud a aussi parlé de méthode traditionnelle de culture qui devrait être abandonnée. Les agriculteurs, par exemple, ont l’habitude d’enlever tous les résidus des récoltes précédentes pour semer les nouvelles plantes. En faisant cela, les agriculteurs diminuent la teneur en silice des sols. Il faut l’avouer, les agriculteurs malgaches adoptent également cette méthode ancestrale.

CHIESA, un modèle pour tous

CHIESA tente de corriger la fertilité des sols des agriculteurs partenaires à Taita en y ajoutant des engrais. « Nous corrigeons la fertilité des sols de certaines parcelles afin de faire prendre conscience aux agriculteurs de l’importance de telles corrections dont le but est de faire croitre le maïs mieux et plus vite », dit Dr Paul-André Calatayud.

Le pari semble gagné. D’autres agriculteurs sont venus à la rencontre des membres du CHIESA lors de notre passage à Taita. « Les plantes d’ici sont plus vertes que les nôtres. Ils utilisent des fertilisants, ce qui leur donne des rendements plus élevés. Aussi, ça nous intéresserait de participer au programme de CHIESA et d’avoir d’aussi bons résultats », avoue Dickson Hamisi, agriculteur.

Stem borer
Joel Mwamburi nous montrant les foreurs de tiges

Lors de notre passage à Dembwa, village à Taita, Joel Mwamburi, agriculteur, nous a gentiment montré les foreurs de tiges qui attaquent ses champs de maïs. « Suivant les conseils du programme TV Shamba Shape Up, je plante du Napier (herbe à éléphant) autour de mes champs pour limiter l’invasion des insectes nuisibles », nous confie Joel Mwamburi. Force est de constater que cette solution n’est pas très efficace.

Lutte biologique

CHIESA a une autre solution pour lutter contre les foreurs de tiges : les parasitoïdes. Ce sont des insectes qui parasitent d’autres insectes. Ils se développent à l’intérieur d’un autre organisme dit « hôte » et tuent inévitablement ce dernier au détriment de leur développement. CHIESA étudie les populations et espèces de parasitoïdes pour identifier celui qui sera le plus efficace. C’est un moyen de lutte plus respectueux de l’environnement.

« Les produire massivement puis les relâcher non pas pour tuer tous les insectes nuisibles mais réduire la population à un niveau qui n’est pas économiquement dangereux pour la production. C’est le but d’une solution biologique », explique Dr Paul-André Calatayud.

L’impact des changements climatiques

Malheureusement, les changements climatiques posent problème. « Avant il pleuvait plus et il y avait moins d’insectes nuisibles. Maintenant, il pleut moins et il y a plus d’insectes nuisibles », remarque Margaret Mwasi, agricultrice. En effet, les scientifiques expliquent que la pluie et la température jouent un rôle très important dans le développement de ces foreurs de tiges. L’augmentation des températures est néfaste au développement, à la survie et à la reproduction des parasitoïdes qui contrôlent naturellement les foreurs de tige, permettant ainsi ces derniers à « pulluler ».

Les humains ont également leur part de responsabilité dans la modification de l’habitat naturel des insectes. En utilisant plus de terrain pour leurs plantations et pour leurs habitations, les espaces sauvages sont réduites. Les scientifiques suggèrent aux locaux de garder une zone sauvage pour les insectes et les parasitoïdes.

Mr et Mme Mwasi travaillant leur champ de maïs
Mr et Mme Mwasi travaillant leur champ de maïs

Néanmoins, les résultats des recherches de CHIESA sont prometteurs. «Avant, nous récoltions 10 sacs de maïs, mais maintenant, après que nous ayons utilisé des engrais, nous obtenons environ 20 sacs », déclare Alfred Mwasi, agriculteur qui travaille avec l’ICIPE et l’IRD dans le projet CHIESA. Le problème : « Peu d’agriculteurs se sacrifient en achetant des engrais, celui-ci étant trop cher pour eux ».

Et Madagascar ?

J’ose espérer que de telles recherches puissent être menées à Madagascar. Je suis personnellement fascinée par la lutte biologique et en même temps écologique. En effet, les pesticides sont nocifs aussi bien pour l’environnement que pour l’homme. Les parasitoïdes sont donc une solution idéale pour le bien des agriculteurs, des consommateurs et surtout de la planète.

 

 

 

 


Médias africains, un maillon du changement climatique

« La couverture médiatique est importante. Tout le monde aura besoin d’en savoir plus sur les changements climatiques. Et les journalistes font partie de la réponse« , a déclaré Anne-Sophie Ricco, responsable de projets / Département Afrique de CFI, une agence française de coopération médias financée par le ministère français des affaires étrangères. A ce propos, CFI a lancé un projet intitulé «Médias 21: Journalisme et changement climatique ».

Médias 21 Afrique a commencé avec une formation au bénéfice de 11 journalistes issus de radios de proximité malgaches ( Fianarantsoa du 27 avril au 8 mai). Le projet continue actuellement à Nairobi (Kenya) avec une formation et un coaching de six mois de journalistes web et blogueurs de Tanzanie, Kenya et Madagascar dont je fais partie. Le but de cette formation est de trouver de nouvelles méthodes pour parler du changement climatique en Afrique.

Crédit photo: Andrew Chale
Formation Médias 21 Afrique – Crédit photo: Andrew Chale, blogueur tanzanien

Médias 21 Afrique vise à préparer ces journalistes web et blogueurs pour une couverture professionnelle de la Conférence COP21 qui se tiendra à Paris en décembre 2015. Les experts formateurs sensibilisent les participants à trouver les meilleurs angles pour mieux traiter les sujets de changement climatique. En effet, CFI est conscient du rôle majeur que jouent les médias dans leur communauté respective pour remédier à la faible couverture actuelle du changement climatique. « Parce qu’en parlant de ce sujet, les médias peuvent sauver des vies« , a souligné Duncan Mboyah, journaliste kenyan et un des formateurs pour ce projet.

On remarque que la situation dans les trois pays africains représentés dans ce projet est assez similaire. Par exemple, le Kenya a récemment connu une sécheresse et des inondations. Pour Madagascar, les médias ont parlé du sud du pays qui souffre de la sécheresse et de la famine et au même moment, la capitale a des problèmes d’inondation et d’éboulements de sol. Ce n’est malheureusement pas suffisant. Sophia Wambi Mbugua, journaliste indépendant du Kenya, a justement mentionné un problème commun à la plupart de la presse africaine: « Partager des faits ne suffit pas. Les médias devraient aussi mettre en évidence la raison pour laquelle le pays connaît ces problèmes« .

En tant que blogueuse, je suis consciente du rôle que je peux jouer dans cette lutte et la contribution que je peux apporter au cas de Madagascar. En effet, le changement climatique est mondial et, malheureusement, la Grande Ile n’est pas épargnée. Nous ne pouvons plus rester sans rien faire. J’ai retenu un conseil important lors de cette formation Médias 21 à Nairob i: « mettre des visages sur le problème est un excellent moyen de cibler plus de gens« . Et aller à la rencontre de ces gens fait partie même de l’existence de ce blog.

Ce serait une erreur de croire que parler du changement climatique ne concerne que le système écologique. En fait, il touche tout aussi bien d’autres domaines tels que la politique, la société, la santé, l’économie. C’est toute la force du journaliste d’étudier la question sur tous les angles possibles. Un bel exemple: Vonjy Radasimalala, journaliste de L’Express de Madagascar a publié que faire partie des pays moins avancés peut jouer en faveur de Madagascar. Après la COP21, l’île pourrait bénéficier d’une aide financière pour répondre à ses problèmes de changement climatique.