Le travail du sexe n’est-il plus tabou à Madagascar?
Quand j’étais enfant, de temps à autre, mes parents nous emmenaient faire un petit tour de la ville pour voir Tanà la nuit. Notre endroit favori était le quartier appelé La Haute où l’on admirait les lumières de la capitale. Sinon, je me souviens qu’on passait aussi par les quartiers où j’ai remarqué des prostituées dans leurs petites tenues sexy essayant tant bien que mal de cacher leur visage pour qu’on ne puisse pas les reconnaitre. (N’empêche que certains des clients qui se seraient rapprochés les auraient sûrement reconnus).
Depuis, les temps ont changé. Plein de choses ont si vite évolué dans la vie des Malgaches. L’arrivée des nouvelles technologies, par exemple. Maintenant presque tous les jeunes adolescents ont leur propre téléphone portable souvent de dernier cri. Bref, le travail du sexe a également évolué. Le premier changement remarqué a été, je crois, l’arrivée des hommes (travestis) dans ce métier. Les travailleurs du sexe se sont « partagés » les emplacements entre eux (enfin, je suppose) parce qu’il y a un coin spécial pour les hommes et d’autres coins pour les femmes. Ils se départagent même entre plus cher et moins cher. Ce sont des amis « habitués » qui m’ont expliqué.
Le deuxième changement que j’ai remarqué aussi est la naissance de plusieurs agences de prostitution dans le pays. Ces agences s’enregistrent en tant que « salons de massage ». Un ami, réceptionniste dans un grand hôtel à Tana, nous a fait savoir que l’hôtel où il travaille a déjà une sorte d’annuaire pour consulter le contact, les services et le tarif de ces différents agences. Sinon, c’est toujours l’ami qui raconte, une fois le travail effectué, les « masseuses » passent à la réception et laissent leur carte de visite personnelle pour que, les prochaines fois, l’hôtel les appelle directement sans passer par les agences. C’est sûrement de là que les annonces de ce genre de service se multiplient de jour en jour dans les journaux locaux. Les jeunes femmes se ruent vers ce service de « massage » utilisant toutes sortes d’adjectifs qualificatifs pour charmer la clientèle mais aussi pour battre la forte concurrence. Bon, j’ai dit « femmes » mais, en feuilletant les pages des journaux pour cet article, j’ai lu aussi une annonce certainement d’un homme.
Ce n’est pas tout. Dans les sites d’offres d’emploi gratuites maintenant, genre Jobmada sur Moov Madagascar, il y a des agences « d’escort girl » qui recrutent. Les filles recrutées travailleront pour des clients haut-de-gamme. Et la compensation va sans dire. L’heure [une petite correction] La journée est à 200 000 Ariary. C’est une bien grosse somme pour les Malgaches qui sont très nombreux à ne pas gagner cette somme en un mois. En Euros, ça fait à peu près 72,45. J’ai visité un de leurs sites web; chaque « agent » a un profil qui y est publié et avec les « talents » spécifiques de chacune. Quand j’ai dit évolué, je n’arrivais pas à croire que de là à se cacher le visage, les prostituées s’affichent maintenant aux yeux de tous… enfin… des visiteurs de ces sites.
Mon mari et moi étions récemment à Tamatave, une province sur la côte est de Madagascar. On était en train d’apprécier un bon jus de coco au bord de la mer. Il devait être 19 heures. Et voilà qu’en face de nous, une 4×4 se gara et quelques hommes chinois en sont sortis. A peine ont-ils mis pieds à terre qu’une ruée de prostituées les ont envahis. Il fallait le voir pour le croire. Elles se disputaient presque. Pas de chance pour elles, ces gars là n’étaient pas intéressés.
La meilleure? L’histoire s’est toujours passée à Tamatave. Un des collègues de mon mari (j’espère qu’il ne tombera pas sur cet article 😀 ) a ramené une très jeune fille à son bungalow. A peine si elle avait 18 ans, je dirai. Une petite jeune fille, assez jolie dont vous ne vous douteriez pas du tout si vous la rencontriez dans la rue. Et comment cet homme l’a déniché figurez-vous?… Facebook… Elle a un compte sur facebook où, selon ce collègue de mon mari, elle invite des tas d’hommes, elle publie des photos qui les font craquer et bien entendu, les invitent à « goûter » à ses services (payants bien sûr). Le rendez-vous a été même fixé depuis Antananarivo.
Est-ce le monde qui change? Est-ce l’envie de survivre qui a entraîné tout ceci? Ou est-ce que le travail du sexe n’est tout simplement plus tabou?
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