Mon nom est malgache, devrais-je le changer ?
Notre avion venait d’atterrir à Dakar. C’était pour participer à la formation Mondoblog de 2011. Il était 4 heures du matin. Et dehors, il faisait encore sombre. J’ai pu à peine apercevoir à travers une vitre pleine de buée quelqu’un tenant un écriteau complètement rempli de noms. Mais j’ai tout de suite dit à mon ami, Andriamihaja, que c’était le chauffeur qui venait nous récupérer, car des noms aussi longs, ça ne devait être que les nôtres. Je ne me suis pas trompée.
« Mon nom est imprononçable, mon nom est malgache ». C’est le nom d’une page Facebook que je prête ici.

L’anecdote se passe toujours à Dakar. Un des mondoblogueurs venait de rejoindre le groupe et a dit: « Bonjour! Toi, tu dois être A-ri-ni-ai-nà! » Et tout le monde s’est mis à rire puis l’a taquiné: « Bein, toi, tu n’as pas arrêté de répéter son nom dans l’avion pour avoir réussi à le prononcer d’un coup. » En choisissant ce pseudonyme Ariniaina qui vient de mon nom de famille – Rahariniaina – à aucun moment, je n’ai pensé que quelqu’un aurait du mal à le prononcer.
« Je trouve que « Einstein » est plus difficile à prononcer que mon prénom: « Rijaniaina » »
Ce mondoblogueur malgache a aussi touché un mot sur le sujet. Et ça me rappelle un autre ami qui a pris l’exemple de Schwarzenegger.
He-ry-Ra-jao-na-ri-mam-pi-a-ni-na. Tiens! Puisqu’on en parle. Le nom du nouveau président de la Grande Île a évidemment donné du fil à retordre à plus d’un, surtout les journalistes. The Guardians [EN] s’est même amusé à compter les caractères de son nom au complet – Hery Martial Rakotoarimanana Rajaonarimampianina – ils ont dit 44 mais en fait il y a 45 caractères en tout. Le journal lui a également décerné le titre du nom de chef d’État le plus long.
Pourquoi les noms malgaches sont-ils aussi longs? Slate Afrique répond à cette question. Le linguiste Narivelo Rajaonarimanana explique:
«Le nom malgache n’est pas une étiquette. C’est un souhait, un destin, une parole qui contredit un mauvais destin, un souvenir du jour de naissance, une combinaison de noms de parents ou d’ancêtres»
Effectivement, les noms malgaches ont une signification précise et expressive. Mon prénom Lalatiana, par exemple, Lala signifie chérie et Tiana aimée (ou chérie). Une amie américaine a décidé de m’appeler « Double Loved » (aimée deux fois). Sans aucun doute, mes parents m’aiment énormément d’où ce prénom, ou ils voulaient s’assurer que je sois aimée : D Celui de mon mari Andry veut dire pilier. C’est sur qui on compte… Ici vous pouvez voir une liste de prénoms malgaches avec leur signification.
Bref, comme je l’ai dit plus haut, les noms malgaches sont souvent longs et imprononçables. Ce qui ne facilite pas toujours la relation avec le reste du monde, car beaucoup ont peur d’écorcher nos noms, expliquent quelques membres de la diaspora. Comment y remédier ? Utiliser un diminutif pour faciliter la communication? C’est mon cas. Désormais, je n’utilise que la première moitié de mon prénom. Avoir un deuxième prénom? Comme Andriamihaja qui utilise Guénolé.
Un sujet de discussion vu les réseaux sociaux lancé par une Malgache vivant en France:
« J’ai du demander un acte d’état civil auprès d’une mairie en France. Je me suis sentie humiliée en sortant de là à cause de mon nom qui paraît-il est trop long pour le logiciel de la mairie. Je suis triste parce qu’ils ont donné tort à mes parents. Ils ont dit que nous autres Malgaches devrions changer nos pratiques qui sont démodées. »
A cela, les commentaires se résument en : « Ce sont les parents qui sont à blâmer? ou c’est le logiciel qu’il faudra changer? Nous ne devons nullement avoir honte de nos noms. C’est ce qui nous différencie. C’est notre culture. Ça devrait être notre fierté. » Et je partage ces opinions.
Sinon, quelqu’un a proposé que cette femme aille au tribunal et change de nom. En effet, un tel recours est possible. Mais doit-on réellement en arriver là? Changer de nom serait, pour moi, déshonorer ses parents et renier son origine. Après, la décision appartient à chacun.
Une autre personne a proposé qu’on raccourcisse les noms donnés aux enfants pour faciliter les choses. Certains restent sur leur position comme quoi la fierté culturelle prime et qu’on ne doit rien changer à la tradition. D’autres considèrent la question.
Mais est-ce réellement un dilemme de porter un nom trop long? Il faut préciser que trop long veut aussi dire beaucoup de prénoms voir trois, quatre ou plus. Il y a des gens qui n’ont aucun problème avec cela qu’ils soient à l’étranger ou pas. Mon mari, par exemple, porte bien son nom malgré sa longueur. Quant à une de mes tantes, elle a avoué que ça l’énervait quand, lors des examens à l’école, elle était encore en train de remplir les cases des noms et prénoms alors que les autres commençaient déjà leur devoir. Notre pasteur a vécu la même expérience et déconseille vivement aux nouveaux parents de donner des noms trop longs à leurs enfants. Mon père a préféré ne pas nous faire porter son nom de famille. Il a toujours galéré avec. Et j’avoue que même entre Malgaches, son nom reste compliqué.
Alors, est-ce un compromis, une prise de conscience ou une simple envie de changer? Car beaucoup de parents optent actuellement pour des prénoms malgaches, courts, concis, faciles à prononcer pour la joie de tous. C’est sans doute la raison des créations de nouveaux prénoms malgaches qui sont très tendance. Henika Fitia ( remplie d’amour) est très à la mode ces derniers temps. Mais il y aussi Henikaja (rempli de respect), Aro (protection), Mahatia (on a envie d’aimer), Iloniaina (huile de la vie ou plutôt raison de vivre)…
Les parents font même preuve d’une grande imagination et d’inspiration pour essayer d’avoir des prénoms malgaches bien originaux. Quelques exemples: Tianay (nous aimons), Anay (à nous), Tohy’Aina (suite de la vie), To’Ahy (venant de Toa Ahy – comme moi)…
Mon mari et moi avions trois critères pour choisir les prénoms de nos enfants. On voulait des prénoms malgaches, signifiant nos souhaits pour eux et qui ne sont pas trop courants. J’avoue que nous n’avons pas tellement tenu compte des difficultés possibles qu’auront les non-Malgaches avec leurs prénoms. Espérons que les gosses s’en sortiront bien. Notre fils s’appelle Andraina (vers qui on lève la tête, en qui on place l’espoir) To (accompli). Notre fille s’appelle Ikoriantsoa (en qui coulent les biens/bonnes choses) Tanteraka (synonyme de « To » pour dire que nos enfants sont sur le même piédestal).
Il y a eu une période où les parents préféraient les prénoms étrangers. Depuis peu, on remarque que les prénoms purement malgaches sont favorisés. Et, entendons-nous bien, je n’ai absolument rien contre les Yoan, Erwan, Aaron…, mais j’aime les noms malgaches. Je prends d’ailleurs toujours plaisir à expliquer leurs significations aux étrangers. J’espère que cette tendance persistera.
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