Je suis malgache, j’ai fait circoncire mon fils
Mon garçon n’était même pas encore né que, comme tout parent, je me projetais dans son avenir. J’imaginais notre première rencontre à sa naissance, son premier biberon, son premier éclat de rire, ses premiers pas… Et depuis, je redoutais déjà le jour de sa circoncision. Aaaahh, cette culture à laquelle les petits garçons malgaches n’échappent pas.
Faire la circoncision ou pas? Si oui, quand l’enfant aura quel âge? Où? La faire à l’américaine ou y a-t-il d’autres choix? Dire au petit ce qu’on va lui faire ou pas? Combien de temps ça va mettre pour guérir? Faire la fête comme la tradition le veut ou pas? Toutes ces questions nous préoccupaient à mon mari et à moi.
La circoncision, on doit la faire. La tradition l’oblige. La société la réclame. L’école l’exige. Vous vous étonnez sûrement mais oui, l’école demande à ce que l’enfant soit circoncis avant la rentrée. Peut-être pas toutes les écoles à Tanà, mais celle qu’on a choisi pour notre fils en tout cas. Je me suis même surprise à répondre: « Oui, de toute manière, c’est prévu » lors de l’entretien avec la directrice d’école. On va donc la faire.

Quel est l’âge idéal pour la circoncision? J’ai vu que chez les Juifs, l’enfant est circoncis au 8ème jour après sa naissance. La circoncision musulmane se pratique à la pré-adolescence. Y a-t-il un âge spécial requis à Madagascar? Pas que je sache. Beaucoup le font avant la rentrée à l’école, aux alentours de 3 ou 4 ans. Sinon, à Mananjary, par exemple, on attend le Sambatra. C’est un rituel de circoncision collective pratiquée tous les 7 ans dans cette partie Sud-est de la Grande Île. Peu importe l’âge de l’enfant, les parents de cette région attendent cet événement pour faire circoncire leur fils. Mon fils, lui, on l’a fait à ses 2 ans, samedi dernier (10 août 2013). Nous avons préféré le faire cette année parce que si on attend encore, il en gardera peut-être un traumatisme. C’est ce que son père et moi pensons en tout cas.
Mais pourquoi faire ce rituel? J’allais me justifier en disant que c’est pour des raisons médicales. Comme quoi des saletés peuvent rester dans le prépuce. Ou que ça favorise le risque de cancer. Et que plus tard, il se peut qu’on doit quand même le circoncire parce qu’il aura des problèmes de santé. Il sera alors plus âgé, plus conscient de la douleur. Ainsi, j’aurai regretté de ne pas avoir fait la circoncision plus tôt. Mais, au fond, est-ce la culture qui l’emporte? N’est considéré « vrai homme » que celui qui est circoncis. Cependant j’avoue que je n’apprécie pas trop le fait qu’on félicite mon fils. Non, sérieusement, mon petit garçon a 2 ans. Il ne peut pas être considéré comme devenu « adulte » parce qu’on lui a enlevé un bout de son zizi. Enfin bref, je me convaincs qu’au moins, plus tard, il ne se sentira pas différent des autres garçons malgaches. C’est mon lot de consolation.
Où faire la circoncision? C’était la décision la plus difficile. Une chose était sûre. Hors de question de la faire à l’ancienne comme je l’ai expliqué dans un précédent billet. Le rituel se fait à la maison, avec un guérisseur traditionnel (d’ailleurs où en trouver?), avec un simple couteau de cuisine, sans anesthésie. Non, non et non. J’ai lu un article en malgache qui reproche à la génération actuelle de ne plus respecter la tradition. Mais n’est-il pas plus important de réduire au maximum la souffrance de l’enfant? ainsi que les risques encourus en ne faisant pas la circoncision dans un milieu hospitalier? En tout cas, nous, mon mari et moi, ces deux raisons étaient la base même de notre choix. Il y a un médecin très expérimenté qui a son cabinet médical assez près de chez nous. Il pratique la circoncision à l’américaine qui consiste à couper le morceau de peau avec une capsule brûlante. Beaucoup sont convaincus par cette méthode car il n’y a pas de saignement et c’est presque sans douleur. Je n’ai rien contre ce médecin. Il était d’ailleurs notre premier choix. Mais finalement, on a opté pour l’hôpital HJRA et c’est sans regret car pour eux on endort l’enfant. Donc, l’enfant ne voit rien et ne ressent rien pendant l’opération qui a duré à peine 5 minutes. C’était très important pour mon mari et moi. On a pu constater que notre enfant n’est pas traumatisé après l’opération et aussi, ne ressent aucune colère envers mon père et mon frère qui l’ont conduit à l’hôpital. Contrairement à mon frère qui se souvient de toutes les personnes qui l’ont tenu le jour de sa circoncision; des gens qu’il a détesté pendant un long moment de sa vie.
Au réveil du petit après la circoncision, il a pleuré pendant une bonne heure jusqu’à notre retour à la maison. C’était dur, dur, dur. Je ne savais pas comment consoler mon pauvre garçon. Heureusement qu’il a compris ce qui lui arrivait. Parce que quelques jours auparavant, je lui ai maintes fois expliqué ce qui l’attendait, qu’on devait absolument le faire, que ça allait faire très très très mal, et qu’il avait le droit de pleurer. Après les pleurs, il a fait une petite somme. Ensuite, on lui a offert de nouveaux jouets. Aussitôt, la douleur est oubliée. Il a joué comme si de rien n’était. Seuls les pipis de cette première journée se faisaient avec de petites larmes ainsi que le bain du lendemain. Là, on est au 5ème jour après la circoncision, ce n’est pas tout à fait guéri mais le petit va bien. Il refuse juste d’enfiler un pantalon. Il préfère ne mettre que son « malabary » , une tenue traditionnelle pour l’occasion. Et oui, je tenais quand même à suivre quelques points de la tradition.
En parlant de ça, mon père a également tenu à remplir son rôle de grand-père: avaler le prépuce avec une banane. Donc, je me suis dit « tant mieux« . Et certes, la circoncision dans les centres médicaux peuvent se faire toute l’année, on a quand même gardé la tradition en la faisant en hiver. C’est vrai quoi, c’est mieux pour la cicatrisation non? Sinon, on n’a pas fait de fête. On a beau appeler la circoncision « hasoavana » (grande joie) en malgache, mon cœur n’était pas pour la célébration. Seuls les proches étaient prévenus. Je voulais me concentrer plus à mon bonhomme qu’à la bouffe, aux boissons et au bien-être des invités.
Voilà, c’est mon expérience en tant que mère d’enfant circoncis. Le plus dur finalement était la nuit précédant la circoncision. J’ai passé une nuit blanche tellement j’angoissais. Une fois l’opération faite, il fallait faire face et ça s’est bien déroulé. Allez, bon courage aux parents qui auront à faire ce choix et vont vivre cette expérience. « Arahaba ririnina » (Joyeux hiver) – comme on dit – à ceux qui viennent de la faire.
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