30 octobre 2015

L’Afrique et le défi énergétique

Depuis quelques mois (pour ne pas dire années), la population malgache n’en peut plus des délestages quotidiens. Des délestages qui sont devenus une préoccupation principale des Malgaches, car ils affectent jusqu’à leur subsistance.

J’avoue qu’étant moi-même victime de ces coupures intempestives, j’ai cherché une solution à ce problème en me tournant vers les énergies renouvelables. Jusque-là, je ne me suis pas lancée parce que je trouve que les offres présentes sur le marché sont hors de prix. Le souci ne réside pas dans la question de rendement à long terme mais surtout l’accès onéreux à une énergie propre. Un panneau solaire pour juste deux lampes, la télé et charger un téléphone coûte environ 800 000 ariary. L’électrification de toute la maison (lampe dans chaque pièce, télé, frigo…) peut facilement monter jusqu’à 30 millions d’ariary selon une connaissance.

Je suis actuellement à Victoria Falls, Zimbabwe pour assister à la 5e conférence annuelle sur le changement climatique et le développement en Afrique (CCDA-V). Et durant les différents discours et discussions, on estime à de plus de 500 millions le nombre d’Africains qui n’ont pas accès à l’électricité. Le problème est énorme. D’autant plus, l’électricité pour tous est l’objectif à atteindre en 2030 en Afrique.

Des pratiques destructrices de l’environnement

Pr Thomson Sinkala
Pr Thomson Sinkala

Le professeur Thomson Sinkala, président de Biofuels Association de Zambie, a avancé que l’Afrique a vécu avec des pratiques qui se sont révélées destructrices pour l’environnement: la culture itinérante, la production incontrôlée de charbon, le braconnage, les feux de brousse qui restent souvent impunis, le gaspillage né d’une exploitation minière sauvage et irréfléchie. Il donne même des chiffres montrant l’énormité de la perte: “On a besoin de 6 à 10 tonnes de bois pour produire 1 tonne de charbon de bois; et chaque ménage consomme 1 à 1,3 tonne de charbon par an

Que faire?

Le charbon a énormément affecté l’écologie, l’économie et la santé. Il est évident qu’il faut faire quelque chose. Les experts proposent diverses solutions à l’utilisation des charbons de bois et du bois de chauffe mais aussi l’électrification. Il y a le panneau solaire, l’énergie éolienne, la biomasse, le biogaz, l’éthanol… des énergies qui se caractérisent toutes par leur propreté et leur état perpétuel.

Je suis personnellement convaincue des bénéfices qu’apportent ces énergies propres. En effet, le professeur Muna Ahmed et son équipe de chercheurs ont offert des unités de biogaz à 15 ménages dans l’Etat du Kordofan Nord-Soudan. Elle a cité quelques atouts sur l’utilisation du biogaz : les femmes n’ont plus besoin de couper et utiliser le bois, le temps passé à la cuisine est réduit, et ça donne plus de temps à passer avec les enfants.

Les énergies vertes et renouvelables réduisent également les risques d’infections respiratoires puisqu’elles sont sans fumée et sans cendre. L’écologie n’est pas en reste avec une réduction de la déforestation et des émissions de gaz à effet de serre.

Lampe solaire que j'ai vu à l'exposition de CCDA-V
Lampe solaire vue à l’exposition de CCDA-V

Mais qu’est-ce qui empêche donc les Africains d’adopter ces solutions?

Selon Anne Nyambane, ESPA Fellow at the SEI Africa – Nairobi, beaucoup de gens vivent de la forêt. Ils y trouvent de la nourriture, des plantes médicinales. Ils y prennent du bois. “La promotion de l’énergie propre aurait un impact négatif sur ces personnes”. Les énergies renouvelables peuvent aussi donc détruire toute une mode de vie.

Il y également le manque de sensibilisation, mais surtout, je pense, le problème de coût auquel j’ai fait allusion plus haut.

Kit solaire vu à l'exposition de CCDA-V
Kit solaire vu à l’exposition de CCDA-V

Comment peut-on y remédier ?

J’ai eu l’opportunité d’échanger avec le professeur Thomson Sinkala sur la question. Et voici comment il voit les choses.

L’État pourrait, par exemple, demander aux producteurs de charbon de payer des taxes. Ce qui augmenterait le prix du charbon » (et implicitement rendrait le prix des énergies vertes moins cher).

Il pense également que si  le gouvernement décidait d’opter pour une politique de remplacement du charbon par les énergies alternatives afin de préserver la forêt et les réserves naturelles, alors, les gens arrêteraient de faire du charbon pour produire, par exemple, du bioéthanol.

Anne Nyambane rajoute qu’il faudrait choisir des emplacements plus proches des utilisateurs pour réduire les coûts de transport. Elle pense aussi que le renforcement des capacités des habitants pourrait beaucoup réduire le coût de l’emploi.

Sinon, on peut aussi considérer la facilité de prêt auprès des institutions de microfinance pour que les ménages africains puissent avoir accès à ces énergies vertes et renouvelables, a-t-on suggéré lors de la CCDA-V. Un exemple qui marche. Le projet M-KOPA propose une facilité de paiement pour que les foyers du Kenya, de Tanzanie et d’Ouganda puissent s’offrir des petits panneaux solaires.

 

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